Les arrêtés et décrets publiés le 17 mars et la note de service du 18 mars confirment nos analyses : il s’agit bien d’organiser des groupes de niveau, donc de trier les élèves ce qui va immanquablement creuser les inégalités. C’est bien une École du tri social que Nicole Belloubet et Gabriel Attal mettent en place. Derrière la promesse d’une plus grande flexibilité, ce sont en réalité des contraintes d’organisation et pédagogiques qui vont lourdement fragiliser notre liberté professionnelle et casser la relation forte et continue avec les classes et les élèves.

Les groupes fluctuants en cours d’année entraveraient toute progression cohérente, toute
dynamique de classe, toute stabilité pourtant indispensables à de jeunes adolescentes, ce qui
affecterait l’ensemble des enseignements suivis au collège.
L’institution de groupes de niveau irait contre l’idée de faire société dans une émulation, une coopération, une entraide, des mises en commun au sein de la classe. Les professeures devraient ainsi se faire les agentes actifs et actives du tri social, participant chaque jour à l’injustice d’un parcage des plus faibles élèves scolairement et socialement, dans un entre soi ne pouvant générer qu’humiliation et violence. Ce serait un retour en arrière sans précédent, une rupture avec plus de 60 ans d’ambition éducative et un renoncement à l’ambition de l’élévation générale des qualifications de toute la population.
Pour les personnels, le plaisir d’enseigner lié intrinsèquement à celui de concevoir son enseignement serait annihilé par la multiplication de tâches d’évaluation automatisées conçues par d’autres, et par des dispositifs pédagogiques “clés en main”. Les progressions communes qui s’imposeraient nécessairement sans aucune possibilité d’y déroger nuiraient considérablement à l’autonomie professionnelle et à la liberté pédagogique. Le pouvoir renforcé des cheffes d’établissement dans l’organisation du service porte les risques de l’annualisation, du co-enseignement imposé, d’une flexibilité managériale, de l’intervention de professeures des écoles au collège, ce que le SNES-FSU conteste.
Les professeures de lettres et de mathématiques ne seront pas les seules touchées. Certaines de ces logiques, notamment le recours aux évaluations externes, sont déjà à l’oeuvre, par exemple en langues vivantes.

A partir de la session 2025, le DNB serait obligatoire pour passer en seconde. Il s’agirait d’une régression historique. Si le DNB est un examen qui a régulièrement évolué au cours des décennies, c’est la première fois qu’il deviendrait obligatoire pour passer en seconde générale technologique ou professionnelle. L’enjeu serait de taille pour éviter la classe prépa seconde dont les horaires d’enseignement général ne permettraient pas de préparer une entrée au lycée mais plutôt l’expulsion du système scolaire à 16 ans. Entre 10 et 20 % des élèves pourraient être concernés. La logique du tri social déjà à l’oeuvre au lycée, de Parcoursup au « libre choix » des enseignements de spécialité serait ainsi renforcée. En Seconde, les stages de juin installent l’idée au lycée général et technologique que l’entreprise peut former la jeunesse dans la logique de la réforme de la voie professionnelle. En permettant le SNU comme alternative au stage, le gouvernement organise la généralisation de ce dispositif d’embrigadement de la jeunesse. Pour le SNES-FSU, toutes ces mesures qui ciblent les élèves de Seconde doivent aussi être abandonnées.

Dans presque 3 mois, les élèves de Terminale passeront les épreuves de spécialités. Nous alertons une nouvelle fois sur la lourdeur des programmes et l’impossibilité pour les collègues de les dérouler d’ici aux écrits tout en préparant le Grand oral. Le rythme imposé aux élèves va à l’encontre de l’intérêt du plus grand nombre qui ne peuvent plus suivre. Le SNES-FSU renouvelle sa demande de concertation pour dégager des mesures immédiates et repenser les aménagements pour la session 2025. Il revendique un travail sur l’EAF pour les séries générales et technologiques. Le SNES-FSU demande une amélioration des conditions de corrections.

Ces orientations préfigurent ce que ce gouvernement veut faire du métier d’enseignant demain : un métier excessivement flexible et interchangeable, un métier au service d’une politique conservatrice attachée à la biologisation des destins sociaux et au renoncement à toute forme d’émancipation, un métier exercé par de simples exécutantes peu regardant sur les contenus disciplinaires et leurs vertus structurantes pour les esprits. C’est ce qui sous tend les premiers éléments connus du projet de réforme des concours où se joue la nature de la professionnalité des collègues et l’unité du 2d degré.

Le SNES-FSU refuse cette violence pour élèves et cette déprofessionnalisation des personnels.
Il appelle par tous les moyens les personnels à refuser de mettre en œuvre le choc des savoirs et à poursuivre les mobilisations notamment par la grève mardi 2 avril.

Déclaration du SNES-FSU au CSA du 26 mars 2024